Je crois que vous avez réalisé récemment un audit particulièrement intéressant à l’Ile-Saint- Denis (93) ?
B.Expert : Nous avons réalisé un audit sur un bâtiment des années soixante-dix, classé, construit par un élève de Gaudi, particulièrement ardu du point de vue architectural : aucune façade, aucune fenêtre identique ; les dimensions, la distribution des pièces, les formes sont atypiques, comme on peut le voir sur la photo suivante :
Il a fallu traiter le bâtiment en plusieurs étapes, avec à chaque fois une approche très pointue.
Est-ce que vos prescriptions suite à cet audit ont été suivies ?
B.Expert : En grande partie, jusqu’à présent : les copropriétaires ont changé de fournisseur d’énergie, car ce dernier ne correspondait pas à leurs besoins. Ils ont ainsi économisé 30 % sur leur facture de gaz.
Est-ce que cet audit était hors, ou dans le cadre, de l’audit énergétique obligatoire ?
G.Mars : Il s’agit d’une copropriété de plus de cinquante lots, avec un chauffage collectif : l’audit est rentré dans le cadre prévu par la loi.
Ecotipi peut établir des plans de financement, n’est ce pas ?
B.Expert : Un des critères de réussite de l’audit, c’est bien entendu la partie financière. Sans plan de financement, l’audit a du mal à aboutir à des travaux de rénovation. C’est pourquoi nous nous attachons à soumettre, à la demande des copropriétaires, des solutions de financement des travaux1.
En effet, les personnes appréhendent les coûts, tant qu’elles n’en ont pas une vision claire.
Vous en avez d’ailleurs proposé un pour le projet de l’Ile-Saint-Denis ?
B.Expert : Oui, nous avons exposé les coûts que les travaux allaient engendrer à la copropriété et comment les financer, tout en faisant valoir les économies sur factures de chauffage que ces derniers permettraient par la suite.
G.Mars : On peut aller encore plus loin, ce que l’on fera avec l’Audit Global Partagé2 : les plans d’investissement seront personnalisés à chaque copropriétaire3.
Sur un audit classique, on s’arrête au niveau de la copropriété dans son ensemble, on met en évidence l’investissement global, et les gains et les économies d’énergie pour l’ensemble de la copropriété. Les copropriétaires ont du mal à se projeter car ils n’arrivent pas estimer leur participation à l’effort d’investissement, ils ne savent pas s’ils ont droit à des aides, les aides dépendant des revenus de chacun. Ils ont du mal à évaluer combien ils vont vraiment débourser.
B.Expert : Ce flou sur l’aspect financier est un frein important pour le passage aux travaux, les copropriétaires ayant peur de se lancer dans l’inconnu, ce qui est légitime. S’ils sont dans l’impossibilité d’évaluer leur quote-part d’investissement, ils voteront contre les travaux, tout en en reconnaissant leur utilité. D’où l’importance d’être le plus précis possible sur les évaluations financières.
Nous avons vu, en début d’interview, que l’audit énergétique obligatoire, ainsi dénommé, concerne les copropriétés de 50 lots et plus, à usage principal d’habitation, à condition qu’au moins 80 % des lots soient raccordés au système collectif de chauffage (ou de climatisation). Qu’est-ce qui est prévu pour les copropriétés de moindre importance ?
B.Expert : Pour les copropriétés de 49 lots et moins, elles aussi avec un système collectif de chauffage ou de climatisation, c’est un audit allégé : on parle de Diagnostic de Performance Energétique (DPE).
Le DPE doit être réalisé par un diagnostiqueur avec mention4.
G.Mars : C’est un diagnostic collectif, une démarche allégée par rapport à un audit de copropriété classique.
B.Expert : Ce diagnostiqueur avec mention doit avoir plus de cinq années d’expérience dans la thermique du bâtiment, ainsi qu’un diplôme de l’enseignement supérieur dans le domaine.
Ecotipi dispose des compétences, c’est à dire des collaborateurs, pour réaliser ce type de diagnostic.
G.Mars : Je trouve important de rappeler pourquoi l’Etat a mis en place des audits obligatoires : la France s’est engagée pour 2050 à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre5.
En effet, le bâtiment est le premier poste de consommation énergétique en France6 ; on sait qu’il est techniquement possible de diviser par 4, voire par plus, les consommations énergétiques et les émissions liées.
B.Expert : Le bâtiment est le deuxième ou troisième poste d’émission de gaz à effet de serre en France7, [et représente un quart des émissions en Europe, NDLR].
Dans le cas de l’audit, comme dans celui du diagnostic, est ce que le rapport effectué par le bureau d’études énergétiques entraîne une obligation de préconisations de votre part ?
G.Mars : Oui, ça fait partie de l’audit.
B.Expert : On se doit de proposer des scénarii, au minimum quatre pour les audits respectant le cahier des charges de l’ADEME.
G.Mars : Un scénario facteur 4, un scénario BBC[Bâtiment Basse Consommation], un scénario économiquement optimal, un scénario minima réglementaires.
Est-ce que ces préconisations ont une valeur obligatoire pour la copropriété ?
B.Expert : Faire les travaux préconisés n’est pas obligatoire, actuellement.
G.Mars : Ca risque de le devenir.
B.Expert : La loi de transition énergétique prévoit, à l’article 38, que tout bâtiment qui fera plus de 330 kiloWattheures par mètre carré et par an devra, dans le cadre d’une vente ou d’une location, être rénové9.
G.Mars : De plus, l’alinéa I de l’article 58 de la loi Alur publiée le 26 mars 2014 prévoit l’obligation pour les copropriétés de constituer un fonds de travaux à hauteur minimum de 5 % du budget prévisionnel10.
Etant donné l’importance que revêt la budgétisation dans la concrétisation des travaux de rénovation énergétique, comme nous l’avons vu, cette obligation de fonds ne pourra qu’aider à franchir le pas.
Souhaitez-vous présenter la formation que vous avez tous deux suivis, pour Ecotipi, avec Planète Copropriété ?
G.Mars : C’était une formation axée sur le fonctionnement des copropriétés : quel est le rôle du conseil syndical, du syndic, quelles sont les relations entre les différents acteurs de la copropriété ? Quelles sont les différents types de copropriété ? Comment les décisions sont-elles prises en assemblée ? La formation visait à nous apprendre comment dialoguer avec ces divers interlocuteurs.
Comme ce n’était pas une formation technique, elle ne nécessitait pas la présence de tous les membres d’Ecotipi[i.e. Virginie Laloze, Cyril Gauneau, et Jean-Yves Marsouin], que nous avons toutefois tenus informer.
Cependant, c’était important de la suivre avant de s’engager dans les audits globaux partagés, du fait de l’importance du dialogue entre les parties au cours de ces audits.
Pouvez-vous rappeler ce qu’est qu’un Audit Global Partagé ?
B.Expert : C’est l’analyse de ce qui a été fait par le passé par Planète Copropriété qui a permis à cette association de se rendre compte de lacunes, du manque d’acteurs clefs dans la participation à l’audit énergétique11, afin d’aboutir à la rénovation.
C’est un audit dans lequel interviennent plusieurs acteurs : un thermicien, un ingénieur financier, un architecte, qui va, comme l’a dit Grégory, ne pas regarder que l’aspect thermique, mais également l’aspect global du bâtiment, sa qualité. Est-ce-que le bâtiment présente des fissures, est-ce qu’il y a des inflitrations d’eau, est-ce que d’autres travaux qu’énergétiques sont à prévoir ?
G.Mars : Ensemble, nous déterminerons quels sont les travaux à prioriser.
B.expert : Nous évaluerons si ces nouveaux travaux ne vont pas impacter d’autres travaux prévus. C’est vraiment un audit qui prend en compte l’ensemble des paramètres, d’où son nom de « global », et « partagé », parce qu’il s’applique à tenir informer l’ensemble des acteurs, copropriétaires, syndic, et bien sûr, les intervenants de l’audit.
A partir de quand aller vous mettre en œuvre les Audit Globaux Partagés ?
G.Mars : C’est notre référencement par Planète Copropriété, qui nous permet, dès aujourd’hui, de proposer l’audit global partagé.
Comment mettre en avant l’obligation d’audit auprès de vos clients potentiels ?
B.Expert : Cette obligation est en réalité une opportunité !
En effet, une copropriété qui n’aurait pas fait cette démarche de rénovation, d’augmenter la qualité de son enveloppe thermique, alors qu’à côté un programme immobilier neuf performant énergétiquement s’établit, risque de perdre en valeur à la vente ou à la location.
La notion de confort est également importante. Beaucoup ont du mal à définir ce confort. Ils ont froid, augmentent la consigne de chauffage, ont des factures qui augmentent, mais pas le confort ressenti. Mieux isoler un bâtiment va permettre de réduire les consommations de chauffage, et d’augmenter le confort ressenti, car alors la température de consigne équivaudra à la température ressentie, notamment parce que les murs ne seront plus des parois froides.
Enfin, mieux isoler son bâtiment, c’est aller dans le sens des énergies renouvelables, parce que c’est aller vers une meilleure maîtrise de sa consommation en énergie.
Audit Global Partagé : « Dans cette démarche, trois compétences interviennent dès le début du projet : bureau d’étude thermique, architecte, et ingénieur financier. Ces trois compétences permettent de proposer un audit énergétique avec des scenarii réalistes d’un point de vue énergétique, architectural, et financier. », source http://planete-copropriete.com/fr/blog/actualites/208-les-audits-energetiques-au-cur-de-lactualite
« Il est important de rappeler que la finalité de l’audit global partagé est de définir un plan d’entretien et de rénovation à moyen terme intégrant des travaux d’économies d’énergie cohérent par rapport aux projets et aux moyens des copropriétaires.(…) Sa[de l’ingénieur financier] mission est de présenter les différentes aides disponibles et de déterminer pour chaque scénario quelles sont les mensualités de chaque copropriétaire en fonction des possibilités de prêts, des apports personnels, et des aides existantes.», source http://www.coproprieterre.org/agir/copropriete-les-etapes-de-la-renovation/commander-un-audit-efficace-et-adapte/
« Coproprieterre.org : un site pour démystifier la rénovation énergétique des copropriétés ; porté par le CLER, l’ARC et Planète Copropriété, ce site Internet entièrement dédié à la rénovation énergétique en copropriété a été lancé en septembre. », source http://www.planbatimentdurable.fr/coproprieterre-org-un-site-pour-demystifier-la-a749.html
« Un arrêté, publié le 24 décembre 2011 au Journal Officiel, (…) définit les nouveaux critères de certification des compétences des personnes réalisant les diagnostics de performance énergétique (DPE), ainsi que les critères d’accréditation des organismes de certification.(…)le texte interdit désormais qu’une même personne physique puisse être titulaire à la fois de plusieurs certifications dans ce domaine de compétence.(…)
Deux mentions de certification (…) sont distinguées : d’une part, la certification sans mention, dite « diagnostic de performance énergétique individuel », dont la portée recouvre les compétences pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique d’habitations individuelles et de lots dans des bâtiments à usage principal d’habitation. D’autre part, la certification avec mention dite « DPE tous types de bâtiments » qui recouvre la réalisation de diagnostics dans des immeubles et des bâtiments à usage principal autre que l’habitation (tertiaire, industrie). », source http://www.actu-environnement.com/ae/news/arrete-competences-dpe-diagnostiqueurs-14540.php4
Facteur 4 : « En France, Facteur 4 désigne généralement l’engagement pris en 2003 devant la communauté internationale par le chef de l’Etat et le Premier ministre de « diviser par quatre les émissions nationale de gaz à effet de serre du niveau de 1990 d’ici 2050 ». Cet objectif a été validé par le « Grenelle de l’environnement » en 2007″, source https://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_4
De plus, « La France a pris des engagements ambitieux en signant, en 1997, le protocole de Kyoto, entré en vigueur en février 2005 : notre pays s’est ainsi engagé à stabiliser les émissions de la France sur la période 2008-2012 à leur niveau de 1990. », source http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Batiment-et-energie-.html
« Le secteur du bâtiment est particulièrement concerné par ces engagements. En France, de tous les secteurs économiques, il est le plus gros consommateur d’énergie : il représente 43% des consommations énergétiques françaises, soit 1,1 tonne équivalent pétrole par an et par habitant. Au total, le bâtiment produit chaque année plus de 120 millions de tonnes de dioxyde de carbone, gaz à effet de serre, soit près du quart des émissions nationales. », source ibid.
Voir graphique de répartition des émissions de CO2 par secteur d’activité en France à l’adresse http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/199/1080/emissions-gaz-effet-serre-secteur-france.html
Article 3B du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, DEVX1413992L, texte n°519 adopté le 26 mai 2015 en seconde lecture par l’Assemblée Nationale : « Avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique. », source http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0519.asp
Rappelons en outre que depuis 2006 un Diagnostic de Performance Energétique (DPE) est obligatoire en cas de vente ou de location afin de renseigner les acquéreurs sur la qualité du logement.
La loi Pinel n’a pas supprimé cette obligation. Cf http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028772256&dateTexte=20150713
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