Bonjour, je m’appelle Cédric, j’ai quarante ans. J’ai un fils de seize ans. Je vis de façon assez marginale, de squat en squat, et de plus je possède depuis dix ans un camion aménagé en lieu de vie.
Professionnellement, je me définis d’abord et avant tout comme un chineur, un brocanteur : c’est-à-dire que c’est une activité qui, en dehors de la Petite Rockette, où je suis salarié, me prends du temps. Différentes raisons expliquent cette passion des objets anciens, ayant du cachet. Tout d’abord, j’ai eu l’occasion d’habiter dans des lieux qui font partie du patrimoine français, autant d’ambiances qui m’ont marquées. De plus, je suis versaillais d’origine ! Enfin, jeune, dès mes seize ans, j’ai été en couple avec une jeune femme, tapissière d’ameublement et décoratrice. J’ai arrêté l’école en classe de cinquième, parce que j’étais très indiscipliné, comme élève.
Parcours avant d’intégrer la Petite Rockette
L’Education Nationale a voulu me faire essayer la CPPN1 : des classes spéciales mais qui ne me correspondaient pas, aussi je les désertais régulièrement. Ces classes étaient censées préparer les jeunes à des métiers, comme plombier, maçon, des métiers du bâtiment le plus souvent.
La Chambre des Métiers a accepté de m’accorder une dérogation, à l’âge de quatorze ans et demi, qui me faisait entrer dans ce que je qualifie de « pseudo-formation », incluant un maître d’apprentissage. Je bénéficiais de cours par correspondance, d’une sécurité sociale. Ces cours ne s’inscrivaient dans aucun réel cursus, c’était vraiment spécial. Dans le même temps, j’intégrais un foyer d’insertion, le CAT2 de Versailles. La loi m’obligeait à ne pas quitter l’Education Nationale avant l’âge de seize ans ; or dans le même temps, elle le reconnaissait, je ne pouvais pas être en classe : d’où les cours par correspondance ! Ce système a été mis en place alors que j’étais encore chez ma mère, il s’est poursuivi en foyer. J’ai été plus assidu lorsque j’étais en foyer, plus autonome que chez ma mère qui se sentait obliger de consacrer du temps à mon apprentissage. Trois jours par semaine, j’allais travailler, bénévolement, avec mon maître d’apprentissage, carreleur. Cela a duré jusqu’à mes seize ans, où je décidais de quitter l’école, ce droit m’étant enfin reconnu !
Je suis bel et bien devenu carreleur-mosaïste-faïencier, mais à l’âge de trente-deux ans !
Après le CAT de Versailles, soit après mes seize ans, j’ai été placé dans des Centres Equestres, qui tenaient lieu de foyers d’insertion, où je travaillais comme palefrenier-soigneur, jusqu’à l’âge de dix-sept ans.
Puis j’ai connu la prison, ramassé dans le cadre d’un trafic de voitures : je faisais des « merguez »3 ! On trafiquait les plaques, les cartes grises, les numéros de série des pièces. Mon rôle était de subtiliser la voiture, puis de la restituer, modifiée comme il se devait, à un commanditaire. En tout et pour tout, en plusieurs fois, entre mes dix-sept et vingt-et-un ans, âge auquel je me suis assagi, j’ai dû faire deux ans et demi de prison. La première fois que je suis tombé, j’étais encore mineur, dans mes dix-sept ans, et je suis sortie à dix-huit ans et demi.
Au départ, ça n’a pas été aisé de trouver du travail, ayant en main pour seul métier celui de palefrenier-soigneur, sous-payé. Or j’étais en couple, déjà, depuis l’âge de seize ans : il nous fallait de l’argent. Mon amie a fait de très bonnes écoles d’artisanat d’art : l’Ecole Boulle, l’Ecole Grégoire ; elle était encore scolarisée à l’époque où nous étions ensemble, et, comme moi, en rupture avec ses parents. On vivait chez des amis, on se louait des petites baraques à droite à gauche, on avait un camion – très jeune, j’ai conduit sans permis ! C’était notre vie. Je devais ramener de l’argent.
Quand j’allais en prison, je savais pourquoi j’y allais : j’avais fait une bêtise. N’étant pas fainéant, je me suis rendu compte que je pouvais gagner ma vie autrement, en vendant des compétences légalement reconnues : j’apprends facilement, j’ai toujours su démonter et réparer des choses. C’est ainsi que je me suis inséré dans le milieu du bâtiment. Les compétences acquises lors de mon apprentissage chez le carreleur, que j’ai certifiées plus tard avec un CAP , comme la rigueur dans la tenue des outils, le fait de laisser la place propre, m’ont aidées. J’ai commencé comme commis : porter des parpaings, poser des cloisons, peindre ; cela m’a permis de trouver aisément du travail, par l’intérim. J’ai également été vendeur, maçon, menuisier, magasinier, préparateur de commandes, etc.
J’ai intégré la Petite Rockette4, dans le cadre de la ressourcerie, il y a deux ans seulement, en remplacement au début, puis on m’a proposé de rester. En revanche, je baigne dans le milieu alternatif depuis longtemps, par le biais du squat, de la musique, des free-parties, une vie de nomade, grâce à mon camtar. Et puis, j’ai toujours vécu en communauté : du fait des maisons d’accueil, des foyers, de la prison, des free-parties ! Ca m’est apparu naturel, depuis maintenant dix bonnes années, de rejoindre des squats. Ca fait dix ans que je vis avec plein de tribus différentes, à des endroits différents. Cependant j’ai bel et bien disposé de mon propre appartement pendant quelque deux ans afin de pouvoir bénéficier de la garde de mon fils, lorsqu’il avait quatre ou cinq ans, au début de ma séparation d’avec ma première compagne. Mais je n’y étais jamais, sauf pour voir mon fils, je payais mon loyer pour rien, ou presque ! Je n’aime pas vivre seul : je suis malheureux, je ne peux pas, et ce de plus en plus ; toutes mes activités sont faites avec les gens, et pour eux.
Pas mal de gens de ce milieu alternatif, nomade, de la musique, du squat, du street art, me connaissent. Un lien s’est tissé entre le milieu de la musique électronique, hardcore, et celui des squats, pour aux moins deux raisons. C’est une musique qui a été interdite pendant des années, ses manifestations lors de grands regroupements du moins, qui n’avait pas d’endroit pour s’exprimer, car elle était souvent créée de manière spontanée lors de manifestations collectives, échappant au contrôle de la Sacem et ne pouvant en conséquence faire l’objet d’un traitement fiscal. C’est le côté underground qui a été et est toujours interdit, le fait de se retrouver, de faire des soirées sauvages, dans des lieux fermés, des bars, des endroits où l’Etat ne peut pas se faire de l’argent sur les entrées, et de poser de la musique. De grands DJs de rave ou de free-parties jouent aujourd’hui dans des clubs.
Les squats
Le point commun entre moi et les gens avec lesquels je squatte, c’est notre hypersensibilité, nos idéaux, très différents de ceux que le système dominant nous propose.On se sent plus fort ensemble. Dans mon premier squat, à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, une maison familiale inhabitée depuis dix ans, nous étions une dizaine réunis là parce que, avec ou sans travail, nous avions besoin d’un toit, sans motivation artistique, mais avec celle de vivre ensemble.
Les habitants d’un squat sont obligés de s’entendre, il faut faire des compromis lorsqu’on désire s’intégrer quelque part. On a ouvert un lieu il y a un mois et demi : chacun apporte quelque chose, une compétence, un savoir-faire, ou autre. En général, un squat offre aisément une chance, puis l’enlève très vite si la personne ne fait pas l’affaire, à la nuance près que c’est plus facile de dire à quelqu’un de s’en aller que de s’en aller de soi-même parce qu’on ne se sent pas bien et qu’on n’ose pas le dire aux autres. De plus, dans mon cas, qui n’aime pas vivre seul, il est impératif que je sache quel groupe rejoindre après en avoir quitté un. Il faut que je sois avec des gens, à parler, jusqu’au moment où je rentre dans ma piaule, pour aller au lit !
Je quitte un groupe pour aller dans un groupe, pour aller dans un autre groupe : c’est ma vie ! J’ai quitté Mantes-la-Jolie pour aller vivre pendant quatre ans dans le Val d’Oise avec mon amie. Quand on s’est séparé je suis venu à Paris, où j’ai commencé à travailler à la Petite Rockette dont j’avais rencontré des membres alors que je vivais à Mantes-la-Jolie, dans ce milieu de la musique électronique, des free-parties. Donc, même si je n’étais pas partie prenante de la Petite Rockette alors qu’elle était ce squat-maison de quartier de la rue Saint-Maur, je la connaissais, j’en connaissais ses membres, ses activités, je connaissais d’autres squats, celui de la Miroiterie, du 59, Rue de Rivoli, pour citer les plus connus, mais sans en être résident. Je connaissais tous ces milieux alternatifs parce que je m’intéressais, et m’intéresse toujours, à leur production artistique, à leurs spectacles. Ce sont de grands lieux de rencontre, où il faut aller pour se tenir au courant de la vie artistique parisienne underground.
Le squat dans lequel je vis aujourd’hui à Paris, ouvert il y a un mois et demi, s’appelle La Bobine Alternative5, à Clichy. On y vit à huit, des anciens du Bloc. Se loger gratuitement n’est pas la chose la plus importante pour moi : ce qui compte pour moi c’est de vivre ensemble, de faire des choses ensemble, de la musique électronique, par exemple ! A la Bobine Alternative, on est plus orienté street-art. On propose également des ateliers ouverts et de partage, et de l’audiovisuel : on est en train de monter une salle de cinéma, une salle de danse ; on propose un fablab ; un repair café est en train de se créer. Lorsque les gens se regroupent dans un atelier pour travailler, les idées fusent, une émulation créative naît de l’échange.
Je n’ai pas ma langue dans ma poche, au point que c’est parfois facile pour les autres de me laisser endosser le rôle de revendicateur. Je dis ce que je pense, sans me soucier de savoir si ça blesse l’autre ou pas. J’ai la réputation d’être une personne très franche, trop franche, très dur. A la Bobine Alternative, dont je suis le président, on me surnomme le PDD, Président Directeur Dictateur ; quand on a déposé les statuts de l’association, et qu’il a fallu en désigner un, il est apparu naturel que ça allait être moi.
La Bobine Alternative vit dans un joli lieu, à Clichy, inhabité depuis cinq ans, doté d’un gros hangar et d’une grosse maison, qui m’a été proposé par un collectif. Ca appartient à un promoteur immobilier, qui spécule ; il avait l’intention de raser le terrain. Le Bloc appartenait à l’Etat : du point de vue éthique et administratif, mieux vaut squatter dans le public. Mon but n’est pas de spolier des personnes qui auraient réalisé un investissement familial, pécuniaire, autre ; dans le cas du lieu à Clichy, inhabité depuis cinq ans, je n’ai pas l’impression de léser qui que ce soit. Nos deux avocats, celui du promoteur et le nôtre, sont en confrontation ; le dialogue est pratiquement inexistant entre le promoteur et nous. Je suis contre la spéculation immobilière, surtout quand elle concerne un lieu aussi bien loti que celui-ci. C’est beau : de la briquette rouge, partout, une ossature métallique, une énorme verrière : rien n’a bougé depuis les années 1920 ! Jusqu’à il y a cinq ans il a toujours été en activité, il n’a jamais été dégradé. Le hangar abrite deux grandes mezzanines, en chêne, de chaque côté, sur plusieurs niveaux.
Nous en sommes à une procédure entre l’occupant et le propriétaire, que l’Etat tranchera, c’est ainsi en France, c’est la loi, et c’est bien : on manque de place, de lieux pour la créativité, pour accueillir des associations, pour que les gens puissent se rassembler, se retrouver. On construit des bureaux à n’en plus finir, alors qu’il en existe déjà autant à louer. Le programme de notre agent immobilier, à Clichy, est précisément l’érection d’une trentaine de bureaux en lieu et place de notre squat, agrémentés de deux espaces de vente. Or nous sommes dans une impasse, avec déjà d’immenses bureaux sur un côté dont certains ne sont pas loués : qu’est ce que le projet de notre agent va apporter en qualité de vie au quartier ? Je ne pense pas que la vie soit un calme plat avec des bureaux vides fermés la nuit. Le chaos, selon moi, c’est le silence.6
Il y a trois ans de cela, avec mon métier de carreleur-mosaïste-faïencier, je gagnais trois mille quatre cents euros net par mois ; je vivais dans un bel endroit, atypique. Je dis cela afin de bien faire comprendre que la Petite Rockette m’apporte autre chose qu’un revenu : je suis plus heureux aujourd’hui avec mon smic, parce qu’aussi bien dans mon travail salarié qu’à l’extérieur, je ne fais que des choses qui me plaisent. Je n’ai plus besoin de mon argent pour sortir, paraître, faire semblant. Tout ce que je fais aujourd’hui tourne autour de l’échange, du troc, du partage. En rencontrant des gens qui travaillent avec des AMAP, des discos-soupes, des associations de cuisine, je mange pour vraiment pas cher, voire gratuitement, parfois. L’activité de ressourcerie de la Petite Rockette me permet de trouver facilement des vêtements. Ma principale dépense est l’entretien de mon camion, son assurance, l’essence. Il dispose d’une cuisine, d’un couchage : je ne serai jamais à la rue. J’ai passé de très bons moments à dormir et à vivre dans mon véhicule, à pouvoir aller de droite et de gauche, comme j’en avais envie.
Intérêt pour l’écologie, et l’économie sociale et solidaire
Initialement, l’écologie n’est pas un thème qui m’interpelle. Je m’y implique de plus en plus. Cependant dans un trop grand nombre de cas ce n’est que de la pub, du flan, du merchandising. Or au fond ce n’est que du civisme, ce devrait être normal. Je ne comprends pas qu’on parle de changement d’approche en la matière, je pense qu’il s’agit plutôt d’un retour aux vraies valeurs, à des choses qu’on nous a déjà appris, qu’on connaît déjà.
Mon père était militaire, ma mère assistante maternelle pour la Protection Maternelle Infantile, elle donnait également des cours de catéchisme- j’en suis évidemment passé par là : catéchisme, aumônerie, enfant de chœur, profession de foi … jusqu’à quatorze ans et demi ! A cet âge, j’ai voulu aller vivre chez mon père, que j’aimais. Mes parents étaient divorcés. Ma mère, face à ce désir, m’a répliqué que je ne pouvais pas, parce que, même s’il me reconnaissait depuis toujours, ce n’était pas mon père, biologique, s’entend. Ca m’a fait un choc : je n’avais plus confiance en personne, et certainement pas en ma famille. Je ne reconnaissais plus aucune autorité. Je suis devenu un enfant révolté, qui ne se reconnaissait plus ni mère, ni père, ni famille. Je me reconnaissais le droit d’ignorer qui bon me semblait. J’avais de toute manière compris que nul ne pouvait me faire du mal, physiquement. Hors mon père, plus personne ne me faisait peur. Rencontrer une amie, à seize ans, m’a aidé à me poser, à apaiser un peu ma révolte.
Avec la venue de mon fils, je me suis mis en quête de mon père biologique : je l’ai rencontré une fois, ce qui m’a permis de mettre un visage sur un nom. Physiquement, on se ressemble. Cette rencontre m’a aidé à définir avec certitude qui était mon père : celui qui m’a donné mon nom, qui m’a élevé. Aujourd’hui, après de nombreuses années, lui comme moi commençons de reconnaître nos sentiments. Le discours a été long à se mettre en place, c’est un cheminement long, difficile. Nous commençons à réapprendre nos places respectives.
Je veux que les gens comprennent pourquoi je peux paraître le prendre de haut avec l’écologie. L’écologie, je sais ce que c’est. Le respect, de l’autre, de la vie, je l’ai appris dans ma prime jeunesse. Fondamentalement, je ne suis pas écologiste. J’ai toujours fait attention, parce que c’est ce qui m’a été appris : on m’a appris à mettre les papiers dans une poubelle, à faire ceci, cela. C’est une question d’éducation et de civisme selon moi. C’est ce qui me permets de dire que l’écologie, c’est du flan : maintenant que nous avons tout sali, il faudrait faire attention ?!? Mais ça aurait dû être la démarche inverse !
Il me semble que la société agit comme nos parents : elle nous fait entendre ce qu’elle veut, au moment où ça l’arrange. Comment un individu peut-il se construire face à une attitude pareille ? Où est la vérité ? La vie m’a appris que la vérité s’apprend seul. Progressivement, je viens à l’écologie. Pas parce qu’on me l’a appris, mais parce que je l’expérimente.
Je suis plus directement sensible aux problématiques sociales. Le social, pas l’assistanat. Que les gens puissent communiquer, échanger, et surtout débattre, est fondamental. On ne voit plus de cafés-philo, de ces autres cafés, avec baby-foot, flipper, ou alors en province, dans certaines petites villes. Pourquoi ? – Il paraît que les gens on en marre du bruit. Tous ?
Il me semble que la motivation réelle du soit disant ordre social actuel est la maîtrise de la population par sa division. Il me semble qu’il existe une volonté politique de diviser la société\que la volonté de division sociale est prégnante, constitutive de notre mode de gouvernement.
Si les gens restent abrutis devant leur téléviseur, à décider laquelle des deux cent chaînes à leur disposition va avoir leur préférence, alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, chacun se complaisant dans son univers utopique, refusant le dialogue avec son prochain. Du temps des trois chaînes nationales, encore arrivait-on à décrocher, voire à parler de certains programmes, communs à tous. Le soit disant luxe de la profusion des chaînes de télévision aboutit à supprimer ce dernier type de débat, cet ultime type de dialogue.
On fait des séries télévisées sur la télé-réalité : il y avait la télé-réalité, maintenant il y a la télé-réalité scénarisée ! Où va-t-on ? J’ai l’impression que de mon temps, on apprenait encore en regardant la télévision, et que ça devient de plus en plus rare.
Notion de matériau écologique, de produit écologique, de matériau sain, et de produit sain
Un matériau écologique est un matériau utilisable par tous, qui dure, qui est revalorisable, qui n’a pas de fin de vie. Le matériau écologique ne devrait pas se détériorer dans le temps. On sait faire des objets, téléviseurs, montres, machines à laver inusables. On trouve parfois chez les personnes âgées des réfrigérateurs vieux de quarante ans, en bon état de marche7. J’en reviens à la notion d’éducation, de civisme : des gestes simples, routiniers, d’entretien, permettent de garder des appareils en état de fonctionnement. Il est important d’avoir accès à des pièces de rechange, autre geste écologique, en voie de disparition de part la volonté des constructeurs.
En définitive, toutes les pièces d’un objet écologique doivent pouvoir, si l’on en vient à le démanteler, trouver un nouvel usage, comme dans le cas de la petite reine ! A ce propos, la Bobine Alternative va ouvrir un atelier vélo, tout comme la Petite Rockette.
Quant au matériau, ou au produit sain, il ne doit être une source de pollution à aucun moment de son cycle de vie. J’attache une importance particulière à la composition du matériau et à son mode de production. Tous les produits à base de pétrole sont donc à exclure ! J’aime de moins en moins le plastique. De nombreux plastiques sont des dérivés du pétrole : en général, ça ne permet pas de produire des objets résistants, leur apparence se dégrade vite, bien que le plastique lui-même soit long à se dégrader8, voire indégradable. En général, ils ne sont ne pas réparables. Il existe plusieurs catégories de plastique9, plus ou moins toxiques par ailleurs, qu’on ne peut pas mélanger entre eux car ils n’ont pas les mêmes propriétés.
A noter, fumeur, je pense qu’un produit nocif pour la santé dont je tire un agrément suffisant reste, selon mes critères, sain. Fumer une cigarette n’est pas plus nocif que d’avoir toute la journée les mains dans le cambouis comme le mécano, par exemple. Je suis respectueux de mon entourage s’il ne veut pas être intoxiqué par mes émanations tabagiques, mais je pense que relativiser les inconvénients d’un produit comparés à ses avantages est une démarche intellectuellement pertinente. L’informatique, ça n’a rien de sain : c’est extrêmement énergivore, notamment lorsqu’il s’agit de stockages de données10. L’énergie solaire ne suffit pas11. Toutefois, je pense qu’il faut laisser le temps à une société de prendre conscience des conséquences de ses choix, je pense que nous avons droit à des phases de désordre, quel qu’en soit l’issue. Aujourd’hui, tout le monde doit être mobile, consommer un certain type de produits. C’est dans la nature humaine de ne réagir qu’une fois qu’elle est confrontée à un problème ; tant que la majeure partie de la société n’aura pas réalisé les méfaits de la surconsommation, alors cette dernière se poursuivra. Tant qu’il y a une source d’énergie, par exemple du pétrole, qui permet de satisfaire plus de besoins qu’elle ne cause de dégâts, selon l’individu lambda, pourquoi se restreindre ?
L’extraction des schistes bitumineux est énergivore et polluante, beaucoup plus dans les deux cas que l’extraction du pétrole conventionnel.12L’affaire est pourtant financièrement rentable. L’être humain est incapable de résister à l’attrait du profit. Les compagnies pétrolières envisagent la fonte des glaciers en Arctique comme une opportunité en vue de l’exploitation de nouveaux gisements. De nouvelles technologies permettent d’atteindre des gisements sous-marins toujours plus profonds, donnant lieu à de nouveaux enjeux de territorialité13. J’ai tendance à penser que la fin de l’ère du pétrole n’est pas pour demain, que notre dépendance au pétrole est telle que nous seront peut-être suffisamment irresponsables un jour pour créer du pétrole à partir, pourquoi pas, d’eau !
La Petite Rockette
Il y a une place pour moi à la Petite Rokette : j’ai rejoint une équipe, dans un milieu que je connais. Je travaille, je cotise, je l’ai toujours fait, mais je ne pense pas le travail comme une étape de la vie qui ouvre des droits à la retraite. Je pense que je travaillerai toute ma vie. Je ne me suis jamais situé dans la perspective de la maladie ou de l’handicap possible.
Or, j’ai arrêté mon métier de carreleur-faïencier car je suis tombé de cinq mètres de haut, aussi paradoxal que cela puisse paraître pour un carreleur. Bilan : double-fracture déplacée de la main gauche, avec arrachement ligamentaire, tendineux et nerveux. Aujourd’hui cette main bouge, mais ne porte plus grand-chose, et elle est insensible. J’ai une broche de quatorze centimètres, douze vis, des goulottes partout pour réparer les tendons, les nerfs. Après un an-et- demi d’arrêt de travail, j’ai tenté de reprendre le carrelage, mais je me suis rendu compte que c’était insensé, que si je souhaitais me pourrir la vie, je n’avais qu’à continuer ainsi ! Alors j’ai démissionné. Dans le même temps, alors que je venais de commencer à pointer aux Assedics, j’ai intégré la Petite Rockette, qui m’a beaucoup servi de rééducation. Grâce à elle j’ai repris confiance en moi, j’ai recommencé à bosser, à porter progressivement des objets. Pendant ma première année, je me suis senti très entouré par l’équipe, elle faisait attention à moi, me sachant blessé. Je me pensais handicaper, et grâce à la Petite Rockette, j’ai surmonté cette épreuve, ça m’a ressourcé. La ressourcerie m’a ressourcé, vraiment.
Quand j’ai eu cet accident il y a trois ans et demi, j’ai cru que ma vie allait s’effondrer. Quand je suis arrivé, on a simplement commencé par me dire, Cédric, tu vas juste me remplacer, il s’agit simplement de faire acte de présence. Avec ma main plâtrée et mes attelles, ça m’allait comme un gant, si j’ose dire ! A partir de là, j’ai repris confiance en moi. Je n’ai jamais déposé mon dossier Cotorep14 qui m’aurait fait reconnaître comme handicapé à quarante pour cent. La rééducation avait été extrêmement lourde. J’avais arrêté de sortir, moi qui faisait parti du monde de la fête, parce que dès qu’on me touchait la main je ressentais comme une violente décharge électrique. Je pensais que j’allais rester ainsi pour le restant de mes jours. Tout mon retour vers de la confiance en moi c’est la ressourcerie qui me l’a apportée. C’est ce qui explique que j’y sois autant investi aujourd’hui. La ressourcerie ne s’occupe pas que des objets, mais aussi des personnes : je fais parti de ceux qui ont intégré la ressourcerie afin de débuter une nouvelle vie grâce à elle.
Je suis quelqu’un de nerveux. Pendant des années j’ai pratiqué un sport de lutte. Aujourd’hui j’essaie simplement de ne pas m’imposer de limites dans le portage, je force jusqu’à ce que mon corps me fasse ressentir la nécessité d’arrêter. Et c’est ce que j’ai toujours fait.
J’aime à me définir comme un bidouilleur. J’ai fait des expos. J’étais pendant un an au squat Le Bloc15 , regroupant cent-soixante-dix artistes et mal-logés, rue Mouzaïa, dans le 19è arrondissement, qui a été évacué par les forces de l’ordre il y a un mois et demi, où je faisais des mannequins-enceintes. Je prends des valises, des mannequins, des stockmen, en particulier, et j’installe une sono à l’intérieur, amplificateur et enceinte : après, il n’y a plus qu’à y connecter son lecteur, et en avant la musique ! Avec de jolies valises de style années 30, ou années 60, j’y fixe ce qu’il faut, et j’obtiens des boomboxes uniques.
Côté musique, je mixe depuis mes dix-sept ans, dans des soirées, c’est ce qui m’a conduit aux free-parties. J’ai toujours mes platines, mes disques, qui me suivent partout. Je continue de mixer, en free, dans des lieux extérieurs, dans des lieux interdits !
A la Petite Rockette, je collecte tous les objets, hors textile et électronique, les trois catégories étant distinctes. Je les revalorise, je les nettoie, je leur apporte un prix, une valeur. Il peut s’agir de meubles. Je répare si possible : nous allons le faire de plus en plus dans les nouveaux locaux de la Petite Rockette, au 125, Rue du Chemin Vert, plus spacieux que ceux de la rue Oberkampf que nous venons de quitter. Nous allons être en mesure de stocker, puis de proposer des ateliers de revalorisation d’objets que nous étions contraints de jeter fréquemment, faute de place.
Je m’occupe également de braderies, brocantes, et autres animations organisées en extérieur par l’association. Récemment, nous avons proposé une course de push-cars : une sympathique course de voitures en bois poussées par les petits et les grands enfants ! Nous proposons souvent des ateliers de sensibilisation : sensibilisation au recyclage des appareils électroniques, autres. Je peux aussi faire des crêpes !
J’aime ce que je fais ici. Avec le nouvel espace dont nous disposons, un collègue et moi allons proposer un atelier de revalorisation et de création de mobilier, ce qui me passionne ! Nous mélangerons l’ancien et le moderne, rajouterons de l’éclairage sur une vieille table, concevrons la lampe.
Détourner l’objet est une manière de le revaloriser : j’en ai le goût et l’habitude ! C’est ce que je fais lorsque je crée une boom-box. C’est avec mon amie tapissière et décoratrice que j’ai appris l’amour des objets et du mobilier. On chinait des fauteuils, on les dégarnissait puis les retapait pour les revendre ; on faisait des brocantes pour vendre nos productions, dont des meubles, des tables que je fabriquais, en mosaïque. J’ai détourné des tableaux, coupé des pieds, incrusté de la mosaïque dedans, etc. L’expo au Bloc il y quelques mois a été ma première expo publique. J’y ai proposé, outre les boom-boxes évoquées plus haut, des œuvres au pochoir. La page Facebook du Bloc, ancien plus grand squat de Paris, voire de France, Squat le Bloc, existe toujours : on peut y voir de nombreuses photos des œuvres réalisées là-bas. De nombreuses vidéos du Bloc circulent sur la toile.
Plus grande fierté professionnelle
Ma plus grande fierté professionnelle dans le cadre de la Petite Rockette est d’avoir contribuer à créer du lien social. Des personnes qui se sentent isolées retrouvent du contact avec d’autres ; nous favorisons également la mixité sociale, notamment entre des donneurs au plus fort pouvoir d’achat que les acheteurs. Dans un autre registre, il y a six mois, à l’expo du Bloc, j’ai vendu ma première œuvre à titre d’exposant, une boom-box, à quatre-cents euros, sans que l’acheteur n’y trouve à redire – il a même précisé qu’il trouvait que ce n’était pas cher ! Bien que je me considère plus comme un artisan que comme un artiste, cette reconnaissance, car c’en fut une, m’a touché.
Bérengère, le 8 janvier 2014
D’autre part, prétendre contribuer au développement durable uniquement par l’achat d’électricité « verte » est discutable, dans la mesure où cette énergie reste consommée. Bien qu’étant une démarche louable, celle-ci ne traduit donc en aucun cas les efforts d’optimisation de la consommation électrique menés au sein du datacenter. »
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/03/16/04016-20100316ARTFIG00481-les-serveurs-informatiques-ogres-energivores-.php : « Google, qui possède plus d’un million de serveurs dans le monde, travaille depuis dix ans à réduire sa facture énergétique et donne même des conseils sur la manière de concevoir des data centers plus économes. Nos fermes de serveurs consomment «cinq fois moins d’énergie que des centres de calcul conventionnels», assurait fin 2008 Urs Hölzle, vice-président de Google chargé de l’exploitation. » (…) « Google, qui possède le plus gros parc de centres de données – plus d’un million de serveurs -, cherche depuis des années à produire pour son propre compte des énergies renouvelables. En 2007, la firme a créé une fondation, Google.org, qui finance des projets dans les domaines de l’énergie solaire, géothermique ou éolienne. Le moteur de recherche a même déposé en 2007 un brevet pour construire une usine marémotrice. Google affirme ne pas savoir précisément comment exploiter cette autorisation. «Nous avons fait cette démarche pour avoir plus de flexibilité dans l’achat d’énergie pour notre propre activité, y compris nos data centers» , explique une porte-parole. »
http://petrolepropre.canalblog.com/archives/2011/05/04/21051032.html « Canada : Dans le bassin d’Alberta au Canada, presque 1 000 000 de litres de pétrole sont extraits des sables bitumeux (pétrole qui n’a pas rencontré de « toit » imperméable et qui est remonté jusqu’à la surface). L’extraction de pétrole des sables est très polluante. Après la déforestation et l’enlèvement de la tourbe – qui contient de 15 à 30% du CO2 terrestre -, on chauffe le sable à la vapeur (quantités colossales d’eau) et on utilise de nombreux solvants qui, une fois utilisés, sont jetés dans les « piscines » laissées en plan, créant des lacs toxiques. On a aussi remarqué une augmentation des maladies cardiaques dans la région. »
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