« Leçon tsigane
Quarante mille Tsiganes de France (Roms, Sintis et autres) étaient réunis samedi 26 août près de Chambley, une commune de 4 000 habitants de Meurthe-et-Moselle. Et, comme dans un scénario qui remonte à la nuit des temps, depuis que les gens du voyage ont pris la route, précisément, les mêmes histoires étaient contées. A l’ombre des caravanes, résignés mais tout de colère rentrée, on se plaignait d’être, encore et toujours, victimes de réflexe de rejet, de gestes d’exclusion, bref du racismes ordinaire des « gadjés » à l’encontre des Roms. dans les mairies alentour, chez les commerçants de Chambley, on pouvait entendre la vieille complainte des sédentaires : l’an passé, ce même rassemblement, qui réunit la communauté protestante des Tsiganes, a donné lieu à nombre de vols et d’actes de vandalisme. On ne cédera pas, ici, aux facilités d’un romantisme politiquement correct : il y a des voleurs chez les Roms, des voyous, des loubards et même des bandes organisées fichées au grand banditisme. Mais pas plus qu’ailleurs, pas plus que dans toute population, de banlieue ou d’ailleurs, maintenue à la marge, exclue, recalée du modèle dominant.
C’est là qu’il faut rappeler que les Tsiganes d’Europe sont les victimes d’une injustice historique criante. On a trop vite oublié que, comme les juifs, ils furent la cible collective des nazis, qui tentèrent de les exterminer. Il n’y eut aucune réparation matérielle pour ce crime. L’ONU vient seulement, il y a une semaine, de tirer la sonnette d’alarme. Sa commission des droits de l’homme a publié un document de travail sur la situation accablante faite aux Tsiganes d’Europe. C’est à l’est et en Europe central que leur sort est le plus dramatique. Leurs droits fondamentaux sont quotidiennement violés, niés. Agressions racistes, ségrégation urbaine et scolaire, discriminations à l’emploi, brutalités policières constantes, justice partiale : des populations entières sont cantonnés dans des bidonvilles, des ghettos sordides, victimes d’agressions, parfois mortelles, qui restent la plupart du temps impunies.
Récemment, l’Etat a beaucoup fait pour faciliter la vie des quelques 500 000 Tsiganes de France, même si les frictions restent fréquentes avec les municipalités. L’ensemble de l’Europe compterait quelques dix millions de Tsiganes. Avec l’adhésion prochaine de pays comme la Roumanie, la Hongrie, la République tchèque, peut-être aussi la Bulgarie et la Croatie, la grande majorité d’entre eux vivront dans l’Union Européenne. Ce n’est pas anecdotique. Ce n’est pas non plus qu’affaire d’assistance économique et sociale à une minorité martyrisée. C’est l’occasion d’intégrer un peu certaines des valeurs de ce peuple paria, peuple du vent, peuple de la diaspora par choix existentiel, peuple de migrants volontaires ; professeurs de détachement, du temps qui passe, et de la relativité de bien des choses. »
Desaparecido, Manu Chao