Regards croisés sur l’ARENE
Précisons l’accompagnement des porteurs de projet par l’ARENE : comment se passe cet accompagnement ? Quand est-ce que l’ARENE a initié cette démarche ?
H.Sanchez : L’ARENE accompagne les porteurs de projets depuis sa création, qu’ils soient collectivités, ou associations, ou entreprises. La volonté de l’ARENE a toujours été d’apporter une cohérence au niveau régional.
Par exemple, une collectivité souhaite monter une structure d’éducation à l’environnement (une maison de l’environnement, une ferme pédagogique, autre). Elle vient voir l’ARENE. Nous la conseillons sur ses objectifs, les contenus pédagogiques, afin que ces derniers soient en lien avec les thématiques territoriales. Parfois, il existe sur le territoire de la collectivité des structures pouvant être complémentaires : nous les mettons en contact.
L’ARENE a été créée afin de répondre à la volonté régionale de se préoccuper de l’environnement : répondre aux problématiques de développement durable du territoire de l’Ile-de-France, à l’essor des énergies dites nouvelles.
Le public cible de l’ARENE a toujours principalement été les collectivités territoriales. C’est le cas pour ma partie, en éducation à l’environnement et au développement durable, EEDD. A souligner qu’une grande partie des Maisons de l’Environnement sont des services des collectivités territoriales.
On identifie les porteurs de projets grâce au travail en réseau.
C.Petit-Alberge : Aujourd’hui, par rapport à la situation de départ que nous avons décrite, avec notamment le travail sur le terrain d’identification des acteurs de l’EEDD par Hélène Sanchez, la situation s’est inversée : les porteurs de projets viennent nous voir directement.
L’ARENE, cette année, fête ses vingt-ans : vingt-ans de travail qui valent à l’Agence d’être un vecteur reconnu, et clairement identifié sur certaines thématiques. Le cas échéant, nous renvoyons ceux qui nous sollicitent vers d’autres portes d’entrée de la région, mieux adaptées Natureparif1, l’Agence des Espaces Verts2, l’ORDIF ou Observatoire Régional des Déchets d’Ile-de-France, pour les questions de déchets3, l’ADEME.
H.Sanchez : Les visites, les études que les agents de l’ARENE font sur le terrain depuis 1994 jouent un rôle essentiel pour sa notoriété ; visites dans des parcs naturels, dans des bases de loisirs, dans des entreprises. Ces visites sont proposées à des élus, et des techniciens employés des collectivités.
C.Petit-Alberge : Nous accompagnons certains porteurs de projets, pilotes, au long cours, au-delà de la réalisation de leur projet. Nous mettons en valeur leurs projets, leurs travaux, auprès d’autres franciliens, élus ou techniciens, par la visite des sites, des réalisations de nos porteurs de projets pilotes.
Reprenons : dans les années 90, vous allez voir les collectivités territoriales pour leur dire que l’ARENE est là, pour les accompagner, dans la mise en place de leurs démarches de développement durable. Ensuite vous organisez des visites pour les agents techniques, les élus, sur le territoire. Donc finalement ce sont les collectivités qui vont communiquer pour vous à votre sujet, n’est ce pas ?
H.Sanchez : Je me sers de mes réseaux pour identifier les porteurs de projet autres que les collectivités. Et c’est vrai que les collectivités peuvent elles-même être source d’information. Cependant, en 1995, quand j’ai débuté, comme je vous l’ai dit, je suis moi-même aller à la rencontre de ceux qui pouvaient être acteurs du développement durable sur le territoire francilien, comme la Fondation Nicolas Hulot4. J’ai ainsi identifié trois-cents cinquante structures d’éducation à l’environnement et au développement durable ou centres de ressources.
Au début, cinq à six personnes travaillaient à l’ARENE, chacune cherchant à identifier les acteurs de leur champs d’intervention, ainsi, pour l’énergie, les transports, etc.
La mise en place d’un service téléphonique « environnement, j’écoute », à destination exclusive des collectivités locales, a contribué à ce que nous cernions mieux leurs besoins. La collectivité territoriale qui avait par exemple une question d’urbanisme en rapport avec l’environnement pouvait nous appeler. Nous nous étions associés au réseau Idéal5. Un important travail juridique a découlé de la mise en place de ce service, qui m’a amené à élaborer en collaboration avec une juriste le Mémento Juridique de l’Environnement : un guide, avec des réponses juridiques par rapport à des situations rencontrées par les collectivités territoriales, des textes de référence, etc. Les entrées en étaient thématiques : bruit, air, énergie, déchets, etc. En s’appuyant sur le questionnement d’une collectivité francilienne, on montrait comment cette collectivité avait traité le problème, afin que d’autres puissent en tirer profit. C’était un focus sur des collectivités par rapport à une thématique.
Nous faisions beaucoup de conférences de presse à l’époque : cela a aidé à faire connaître l’Agence en 1995. Nous étions au début des préoccupations environnementales, l’ARENE produisait de nombreuses études. Les journalistes se mobilisaient, c’était un sujet nouveau.
Comment identifiez-vous les besoins des acteurs ?
H.Sanchez : Trop souvent les acteurs de l’EEDD se cantonnent à des thématiques qu’ils maîtrisent déjà, alors l’ARENE cherche à les emmener vers de nouveaux sujets.
C’est une partie de notre travail avec Cécile Petit-Alberge. Emmener les acteurs de l’éducation à l’environnement vers des démarches pédagogiques de sensibilisation, d’éducation, dans le cadre des plans climats. C’est un long travail.
Voulez-vous dire que ce que proposent les acteurs n’est pas nécessairement ce que vous souhaiteriez qu’ils proposent ?
H.Sanchez : Souvent, il faut les acculturer6. Il s’agit en général de petites structures, avec peu de moyens.
C.Petit-Alberge : Elles n’arrivent pas à dégager de temps pour développer de nouvelles thématiques, de nouveaux projets.
H.Sanchez : L’ARENE participe à l’émergence de nouveaux projets au sein de ces petites structures d’éducation à l’environnement.
Avez-vous à faire à des militants de la préservation de l’environnement, ou à des profils un peu plus opportunistes, prêts à vous écouter ?
C.Petit-Alberge : Nous avons à faire à des personnes concernées, simplement. On ne s’implique pas dans l’éducation par hasard.
En fonction de la personne à laquelle on s’adresse dans la structure, l’écoute est différente. Un directeur de structure d’éducation à l’environnement est sensible au fait que les collectivités soient obligées de se mobiliser sur les questions d’énergie et de climat, qu’elles aient besoin d’appuis et de professionnels sur la question. Nos arguments afin qu’elle, ou il, explore ces thématiques le touchent, et lui font considérer l’intérêt à nous suivre dans nos propositions.
H.Sanchez : On leur apporte une acculturation qui est également une ouverture vers des opportunités de développement.
Quels sont vos objectifs, à chacune d’entre vous, au sein de l’ARENE ?
H.Sanchez : Mon objectif est le développement de l’éducation à l’environnement, en aidant les organisations dont s’est le métier à s’épanouir.
C.Petit-Alberge : Dans le cadre du projet PCET, c’est un peu différent. Les premières collectivités à s’être lancées dans des PCET ont eu du mal à associer la population des territoires concernés, et à générer de vrais dynamiques de terrain. En conséquence, notre objectif est de promouvoir les structures d’éducation à l’environnement auprès des collectivités, de faire prendre conscience à ces dernières de l’ensemble des outils qu’elles ont à leur disposition, afin qu’elles emmènent leurs concitoyens, sinon dans l’action, au moins dans la prise en compte des enjeux, afin de mener à bien leur Plan Climat.
Pourquoi les citoyens ne seraient pas intéressés par les enjeux de préservation de l’environnement, du climat ?
C.Petit-AlbergeIl ne peut y avoir de réponse à l’échelle nationale, encore moins à l’échelle régionale. Chaque territoire est dans une situation différente. En Ile-de-France, la situation de la population du cœur de la Seine-Saint-Denis n’est pas la même que celle des franges rurales de la Seine-et-Marne : les enjeux, donc les arguments, ne peuvent être les mêmes.
En territoire rural, sur les enjeux énergie-climat, on va aller chercher les gens sur la question de la mobilité, de son coût, donc du coût de l’énergie.
En territoire très urbanisé, on va parler de changement climatique, de confort de la ville pendant l’été, de la gestion de l’énergie du bâtiment, et, au final, du coût de l’énergie.
Finalement, dans les deux cas, on traite la question de l’énergie, mais en l’abordant différemment, afin de s’inscrire dans des problématiques locales.
Ces différences de situation enrichissent notre travail auprès des acteurs de l’éducation à l’environnement car nous devons leur faire comprendre qu’il n’y a pas une manière unique de faire passer un message.
Comment , Madame Petit-Alberge, identifiez-vous les besoins des porteurs de projet ?
C.Petit-Alberge : Au contraire d’Hélène Sanchez, dans le cadre de ma mission, les porteurs de projet, mes interlocuteurs, sont exclusivement les collectivités, qui viennent me voir avec leurs projets PCET. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de notre dialogue avec Hélène Sanchez, qui est en mesure de faire connaître aux collectivités les acteurs de l’EEDD.
Les collectivités viennent me voir à des stades différents de leur projet. Parfois, elles sont simplement dans l’intention de mettre en place un Plan Climat-Energie territoriale, sans savoir réellement ce qu’il en est : je peux leur expliquer ce que c’est, comment formaliser le projet. Je peux sensibiliser aussi bien les agents de la collectivité que les élus aux enjeux énergie-climat, et accompagner la collectivité au fil de l’eau dans la mise en place du Plan.
Il y a souvent un grand décalage entre ce qui est écrit dans un texte de loi, ici la loi Grennelle II, et ce qu’il représente réellement : c’est à moi de l’expliquer aux communes. Toutes n’ont pas besoin d’un accompagnement aussi approfondi, il arrive qu’elles ne demandent l’avis de la mission que sur des questions de procédures, afin de s’assurer que leur projet reprend bien les objectifs du SRCAE.
H.Sanchez : L’objectif de notre travail en commun avec Cécile Petit-Alberge est définitivement l’application des PCET sur les territoires, c’est le sens de l’accompagnement de la mission PCET auprès des collectivités territoriales. La mission écocitoyenneté est là en soutien de cet objectif.
C. Petit-Alberge : Il faut que l’ensemble de la population se sente concernée par le PCET, que l’ensemble des acteurs de l’éducation à l’environnement soit sensibilisé à ses enjeux.
Est-ce que l’ARENE aujourd’hui poursuit un autre objectif que la mise en place des plans climats ?
C. Petit-Alberge : Les plans climats sont les objectifs des collectivités. L’objectif de l’ARENE est de les aider à les mettre en œuvre.
H.Sanchez : Dans les années quatre vingt-dix, l’objectif était que les collectivités, les acteurs des territoires, quels qu’ils soient, intègrent le développement durable.
L’ARENE emmène les acteurs à s’emparer de nouvelles problématiques, liées au développement durable.
Quand le Plan Climat sera enfin appliqué dans les différentes collectivités, est ce que l’ARENE va continuer à vivre au delà du Plan Climat ?
H.Sanchez : L’Agence s’est toujours projetée dans l’avenir. Comme défricheurs, nous avons toujours prospectés dans différents domaines. J’ai des collègues qui ont travaillé sur le développement de la filière chanvre7, par exemple.
C.Petit-Alberge : L’un de nos quatre pôles est dédié à la prospective. Deux de nos collègues accompagnent les territoires sur des démarches prospectives. Les autres pôles peuvent intervenir dans un deuxième temps, en fonction de leurs compétences, selon les axes identifiés en amont, pour accompagner les collectivités.
Le pôle Prospective serait là afin de projeter l’ARENE dans l’avenir ?
C.Petit-Alberge : Plutôt pour envisager l’avenir des territoires franciliens, je dirais.
Bientôt, la suite et la fin de ce « Petit tour dans l’ARENE » : le point sur le rôle des structures de l’Education à l’Environnement et au Développement Durable dans la mise en œuvre des Plans Climat-Energie Territoriaux ou PCET.
Lien vers la fin de cette interview et du reportage de mai 2014 sur l’ARENE : le point sur l’éducation à l’environnement et au développement durable et les plans climat-énergie territoriaux
Lien vers l’ensemble des articles du reportage de mai 2014 « Un petit tour dans l’ARENE ».
Acculturer : « Par le phénomène de l’acculturation, assimiler un groupe ethnique, les individus d’un groupe culturel, à un autre groupe culturel », Le Trésor de la Langue Française, 1971.
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